Poème qui a été exposé au Musée d'Art de Joliette
Polytechnique 6 décembre 1989
COMMÉMORATION PEINTE EN VERS D'UNE MÈRE
Claudette Morin, auteure
Le 6 décembre 1989, des autres jours, différerait:
Le décès de mon unique fille, j'apprenais.
J'aurais voulu hurler, crier mon désarroi,
À l'univers entier, sur tous les toits:
«Mon enfant n'est plus, on l'a assassinée;
Un fou à lier, un étranger,
Sur ces personnes qui portaient un "elle",
A tiré, a fusillé, a tué. »
Dans mon immense tristesse, je ne pouvais imaginer
Que demeureraient désormais au passé
Ces paroles de fierté, si maintes fois, partagées:
«Ma fille étudie à la Polytechnique, vous savez...»
Dès lors je noyai mes journées
Dans l'amertume et la rancune.
Je maudissais cet homme de nulle part,
Cet homme qui, nouveau-né, aurait mérité la mort.
Combien de fois j'aurais voulu changer ce passé!
Mille et un scénarios, j'avais alors inventé,
Où aurait pu être empêchée cette tuerie éhontée.
Puis, je sus pour cet individu
Que j'avais qualifié d'animal :
Il souffrait, en fait, de maladie mentale.
Jour et nuit, des pensées de haine, de vengeance,
Assiégeaient, de cet homme, la conscience.
Prenant momentanément,
Ne serait-ce que l'espace d'un instant,
Connaissance du calvaire
Qu'il venait d'infliger à ces sœurs et frères,
Il préféra s'enlever la vie... une vie de misère.
«Mais, pensai-je, encore anéantie,
Comment aurait-on pu éviter cette tragédie?
Ce geste d'ultime démence n'aurait-il pas été sans conséquence,
En l'absence de cette complice à ras bord remplie de malice,
Cette cracheuse de mort accélérée, non minutée,
Cette arme non contenue
Dans le nombre de ses coups de feu escomptés?»
Laissant échapper des sanglots longuement retenus,
La tête déposée entre mes mains, je songeai:
«Si ces armes avaient été contrôlées,
Pour que personne, même les fous à lier,
En guise de violence ou de vengeance injustifiée,
Ne puissent en disposer, comme maintes fois il est arrivé...
Alors toi, ma fille, encore tu aurais été!
Et vous, filles et femmes, encore vous vivriez!»
Depuis, les années se sont écoulées
Et le temps a su panser
Les plaies de ce ténébreux passé.
Chez moi, le désespoir a désormais fait place à l'espoir.
Je réussis à vivre au présent
Et tente de faire régner, maintenant,
Un idéal souhaité: soit celui de créer
Une société meilleure, évoluée,
Où haine, vengeance et violence
Feraient à tout jamais,
Objets du passé.